Le dernier round de boxe - L'histoire de Ronald Fisher
« Hymne à la vie ! Aujourd’hui nous sommes ici pour célébrer la vie que je remercie pour l’ensemble de ce qu’elle m’a apportée… »
Ronald Fisher a écrit ces quelques lignes et a demandé à son médecin de les lire avant de quitter ce monde, entouré de ses proches.
Ronald est né à Montréal, le 28 mai 1951. Fils de Henri Fisher – un nom d’origine hollandaise – et d’Annette Legault, Ronald n’a eu qu’un seul frère, son ainé Normand, venu au monde trois ans avant lui. La mère de Ronald est issue d’une famille de seize enfants et elle n’a pas voulu reproduire le modèle des familles nombreuses.
D’abord établis rue Laval, sur le Plateau Mont-Royal, les Fisher déménagent sur la Rive-Sud de Montréal, dans le quartier Laflèche, aussi connu sous le nom de « Petit Saint-Henri de la Rive-Sud ». Situé à au nord de Saint-Lambert, en face de l’Hôpital Charles-Lemoyne, ce secteur fait aujourd’hui partie de Saint-Hubert. Dans les années 1950, le rues de Laflèche sont en terre battue et la population est composée majoritairement d’ouvriers.
C’est dans ce contexte que Ronald forme son caractère. On le décrit comme enfant têtu, taquin et enjoué. Rien ne semble l’arrêter. À l’âge de six ans, il décide d’aller se baigner seul à la piscine de l’Île Sainte-Hélène. Il a un billet d’autobus au fond de sa poche mais, croyant l’avoir perdu, il rentre à pied par la passerelle du Pont Jacques-Cartier pendant que sa mère se fait du mauvais sang. Ce petit débrouillard parvient même à faire parler de lui alors qu’il sert la messe. Il s’évanouit en pleine liturgie parce qu’il commencé à fumer la cigarette, il a sept ans.
Ronald fait des études sans histoire à l’École Saint-Jean-Baptiste puis à la Polyvalente De Mortagne, à Boucherville. En 1967, il a 16 ans et réussi à se faire embaucher à l’Exposition Universelle, au pavillon de L’Homme et la mer. Son travail consiste à mesurer la température d’un aquarium géant et d’en retirer les poissons morts. C’est moins glamour que certains autres postes, mais Ronald est un bosseur. Comme la majorité des jeunes de son âge, il est important pour lui de travailler et de gagner de l’argent.
La rencontre de sa vie
1968, c’est l’époque des grands espoirs pour les jeunes de sa génération à qui tout semble possible. Ronald s’inscrit en Sciences pures au tout nouveau Cégep Édouard-Montpetit situé à Longueuil. Mais ce ne sont pas les études qui vont changer le cours de sa vie, mais plutôt une rencontre qui le marquera à jamais avec une jeune fille de onze mois son aînée.
Louise Rousseau prenait sa pause dans un casse-croûte du Vieux Longueuil lorsque Ronald l’aperçoit pour la première fois. Tout en sirotant un coca-cola, il la surveille du coin de l’œil. Il se souvient que même avec ses 130 livres et ses cinq pieds once pouces, il n’a pas douté une seconde qu’il pourrait la séduire. Et ce fut le cas : Louise est charmée par sa vivacité, son amour de la vie et les longs cils qui entourent ses beaux yeux bleus.
Stabilité et famille
Ronald décide de se tourner vers la finance. Il entre à la Household Finance du Canada (HFC) où il sera affecté au département du crédit. Il fait ce choix, entre autres, parce qu’il a des projets avec Louise qui est devenue coiffeuse.
Le 5 mai 1973, les amoureux unissent leurs destinées à l’Église Sainte-Angèle située à Saint-Léonard. Ronald va avoir 22 ans et se sent à prêt à fonder une famille. Après un voyage de noces de trois jours dans les Laurentides, il reprend le travail. Le couple s’installe dans un logement de la rue Sainte-Catherine, à Longueuil, à deux pas du salon de coiffure où travaille Louise.
En décembre de la même année, Ronald est muté à Sainte-Agathe-des-Monts où il est promu directeur d’une succursale de HFC. Leur premier enfant, Isabelle, verra le jour le 4 décembre 1974. Puis la famille s’agrandira avec l’arrivée de Daniel, le 5 août 1977.
Au début de l’année 1976, les Fisher s’installent à Longueuil. Le couple fait d’abord l’acquisition d’un quintuplex puis quelques années plus tard en 1986, ils emménagent dans une maison unifamiliale.
Changement de cap, mêmes passions
Les années passent, Ronald travaille depuis maintenant quinze ans chez HFC. Il a reçu plusieurs offres pour aller travailler ailleurs mais il les refuse toutes. « Il avait souvent des propositions d’emploi. Mais son insécurité faisait en sorte qu’il pensait toujours à la stabilité de la famille », se rappelle Louise.
En 1987, le temps est venu de relever de nouveaux défis professionnels. Ronald décide d’aller travailler à la Banque Toronto-Dominion, à Montréal et y occupe successivement les fonctions de Directeur du département de Crédit, de Directeur de succursale, puis de Gestionnaire de risque. Il y restera presque trente ans. Sa grande fierté est d’avoir été apprécié de ses employés.
Ronald ne s’intéresse pas qu’à son travail, loin s’en faut. Il fait du ski, joue au golf, adore les voyages et partager une bonne bouffe avec du bon vin.
Parmi toutes ces passions, l’amour de famille demeure sa plus grande. S’assurer que tous les siens vont bien est une responsabilité qui l’habite constamment. À la fin de sa vie, il décrit à Louise sa vision de l’amour :
« Tu vois l’amour comme une princesse et le prince charmant. Moi je vois l’amour par les responsabilités et de m’assurer du confort de tous et chacun à tout moment. »
Face à la maladie
Début 2013, Ronald Fisher est un gestionnaire respecté à la TD Canada Trust. Cet homme fier accepte temporairement une surcharge de travail. Il constate toutefois qu’il est très fatigué à la fin de ses journées. Au lieu de consulter un médecin, il se dit que ça va passer. Il fait un peu de cholestérol, mais rien pour l’empêcher de jouir de la vie et s’alarmer, pense-t-il.
Après plusieurs mois, des symptômes de plus en plus inquiétants persistent. Il écoute enfin Louise et se rend à l’hôpital pour y voir plus clair. Le mardi 17 décembre 2013, on lui diagnostique un cancer colorectal. Ronald est effondré.
Toute l’année 2014 est consacrée à des traitements de radiothérapies, de chimiothérapies, ainsi qu’à deux interventions chirurgicales. Ce sont des opérations qui demandent énormément d’énergie à son organisme déjà affaibli.
En dépit de la maladie, il ne perd pas le moral. Les interventions ont donné de bons résultats, la tumeur est disparue. Ronald trouve le moyen de jouer au golf et continue à voyager. Il prend officiellement sa retraite en 2015.
Il ne le sait pas, mais la maladie est toujours active. Au cours d’un examen de suivi, il apprend que des métastases sont apparus sur ses ganglions et ses poumons. Il recommence les traitements.
Tout au long de cette douloureuse période, il fait face à la situation avec calme. Parfois seul avec Louise, il laisse éclater son chagrin, mais devant ses proches, il affiche une attitude raisonnable, même si sa situation se détériore. Le cancer avance inéluctablement. À l’été 2017, les pronostics sont très sombres.
Ronald trouve quand même la force d’aller dans Charlevoix pour jouer au golf en août. Plus tard, en octobre, il se rend à Niagara-sur-le-Lac en voiture pour visiter des vignobles avec Louise.
Ronald choisit son départ
Au cours de ses traitements, Ronald envoie des courriels à ses amis et sa famille pour les tenir au courant de la situation. Il surnomme chaque étape de la bataille « des rounds de boxe », un sport qu’il affectionne. Souvent avec humour et toujours positivement, il décrit ses défis, les effets secondaires de ses traitements ou ses états d’âmes. Parfois, il joint une photo humoristique à ses textes. Ses proches devine qu’il veut ainsi donner l’impression que tout va bien, malgré tout. Une autre preuve d’amour envers les siens.
Son dernier message le 4 octobre, se lit comme suit :
« Il y a longtemps que je n’ai pas donné de nouvelles, j’ai pensé que vous aimeriez savoir ou en est le combat. Je suis toujours dans la catégorie des poids lourd (je n’ai pas perdu de poids). Mercredi, je sauterai dans l’arène pour le 60e round de boxe. Je suis prêt, l’été m’a permis de jouer au golf 2-3 fois semaine, mon meilleur score de l’été était de 83 et mon pire 10. Les hauts et les bas du golf ressemblent beaucoup à mes rounds de boxe !
Dernièrement mon adversaire a concentré ses coups aux poumons, ce qui a pour effet de réduire mon souffle et de créer de la toux. Dans mon coin on a préparé une stratégie pour empêcher mon adversaire de porter ses coups aux poumons. Lors des derniers examens on a pu constater que ses coups ont moins d’effet ».
Ce sera l’ultime round de Ronald. Quelques jours plus tard, le mardi 31 octobre, les médecins lui annoncent que ses poumons sont anéantis et qu’il ne lui reste que quelques jours à vivre.
Sa décision est prise, il demande l’aide médicale à mourir. Ronald a décidé de quitter ce monde le samedi le 4 novembre 2017, en matinée. Ses derniers instants, il les passe avec ceux qu’il aime.
« Il était très positif, il rassurait les gens autour de lui. Il était soulagé », raconte Louise.
La veille de son décès, il a bu une bière et du vin avec sa famille. Un dernier verre du vendredi pour les saluer, leur dire qu’il les aime et leur montrer qu’il est serein.
Le lendemain, tous sont réunis autour de lui pour un dernier au revoir. C’est en leur tenant la main qu’il termine cette belle aventure.
Ronald Fisher était un homme de cœur, un passionné doté d’une grande intelligence. Avant de partir, il a laissé cette dernière pensée.
« La vie m’a donné quarante-neuf ans d’amour inconditionnel de la part de Loulou ! Grâce à elle, nous avons deux beaux enfants et deux beaux petits-enfants. J’ai profité de la vie à cent à l’heure.
Célébrons ! Merci la vie. »
Hommages
Par Isabelle Fisher
Afin de préserver la mémoire de mon père et de garder nos plus beaux souvenirs, j’ai décidé de lui faire aujourd’hui un dernier hommage.
Comme vous le savez, mon père nous a quittés samedi le 4 novembre à 10h35 à la suite d’un long combat de 60 rounds contre le cancer. Je peux affirmer que pour moi le plus fort c’est mon père…
Dans une dernière lettre adressée à ma mère, mon frère, moi, Félix et ses petits-enfants, Anne-Sophie et Charles-Antoine, mon père nous a donné ce dernier conseil.
« Dans le grand voyage que j’entreprends, tu seras toujours avec moi dans mon cœur et mes pensées. Si tu as des questions, des problèmes : parle-moi avant de te coucher ou en te couchant et je ferai tout en mon possible pour qu’à ton réveil, tu vois plus clair ou que les réponses ou solutions soient dans ta tête. »
Ces quelques phrases remplies de tendresse résument bien le caractère positif et aimant de mon père. Dorénavant, ces phrases signifient qu’il veillera sur nous comme il l’a fait tout au court de sa vie.
Mes parents ont vécu ensemble 49 ans d’amour ! J’ai été témoin de leur complicité et tendresse jusqu’à la dernière seconde. Ma mère a toujours été charmée par ses beaux yeux bleus et ce dès les premiers balbutiements de leur amour.
De mon enfance, je garde des bons souvenirs. Mon père s’est toujours fait un devoir pour nous combler et faire découvrir les bonnes choses de la vie. Mon frère, moi et même mes tantes ont été initiés au ski grâce lui. Je conserve des souvenirs de famille mémorables et cocasses. Vous demanderez à Lyne et Carmen de vous raconter leurs nombreuses péripéties sur les pentes pistes de ski !
Il a perpétué les traditions d’initier ses petits enfants à des expériences inoubliables : initiation au ski, chalet, limousine, voyages à Disney, Golf.
Mon père c’était aussi un homme passionné de la vie, qui aimait avoir du « fun », les sorties et les fêtes. Je me souviens de m’avoir fait raconter des anecdotes assez cocasses de ma tante Lyne qui ne pouvait pas aller à la salle de bain parce que mon père dormait à côté de la toilette …
Mon père était un passionné de golf, de voyages et vins et de bonnes tables. Passions et plaisirs qu’il a partagés avec ses nombreux amis et nos voisins de chalet de Nancie et Christian.
De 2002 à 2004, j’ai travaillé avec le beau RON à la TD. Une des grandes fiertés de mon père a été d’être appréciée par ses employés et ses collègues. On me disait souvent : « Ha, tu es la fille de Ronald Fisher » !
Pour cet hommage, j’ai demandé à Caroline de me décrire mon père :
« D'un côté professionnel, M. Fisher était très certainement un grand leader, un homme respecté, reconnu pour son expertise dans le domaine du crédit, un homme de confiance et un bon vivant.
C'était un leader qui savait développer et maintenir d'excellentes relations d'affaires avec les partenaires, il était toujours prêt à relever de nouveaux défis et savait bien s'entourer pour assurer la réussite de son équipe.
Il a assurément touché la carrière et la vie de plusieurs employés à la Banque, il a été un mentor pour plusieurs et un très bon conseiller pour d'autres.
M. Fisher était reconnu pour sa grande humanité, il a toujours été sensible aux réalités individuelles de chaque employé, il était toujours disponible pour son équipe et avait à cœur leurs intérêts.
C'était un homme dévoué, travaillant, un homme d'équipe, il était toujours positif, souriant, c'était quelqu'un qui était apprécié de tous. »
En plus d’avoir été apprécié dans son milieu de travail, mon père a été un patient très apprécié de son équipe de soigneurs… le département d’oncologie et de soins palliatifs. Jusqu’à la toute fin il a charmé par son positivisme. Une infirmière a d’ailleurs aidé mon père à rédiger ses dernières lettres lors de ses pauses. Ma mère a été témoin d’une vague de compassion et d’amour de nombreux membres du personnel qui l’ont soutenu jusqu’à son dernier souffle. Moi et ma mère tenons d’ailleurs à les remercier.
Vous le savez afin de démystifier le parcours d’un combat contre le cancer, mon père a choisi d’incarner un champion de boxe, un sport qu’il aimait. Pour son positivisme, son attitude de gagnant il en a impressionné plus d’un. Parcours de presque 4 ans, a recevoir des coups durs : traitements de chimio, radiothérapies, opérations, stomies, effets secondaires en plus de supporter ma mère lors de l’épisode de la bactérie mangeuse de chair.
Voici un passage de son dernier message
« Il y a longtemps que je n'ai pas donné de nouvelles, j'ai pensé que vous aimeriez savoir ou en est le combat. Je suis toujours dans la catégorie des poids lourd (Je n'ai pas perdu de poids). Mercredi je sauterai dans l'arène pour le 60e round de boxe. Je suis prêt, l'été m'a permis de jouer au golf 2-3 fois semaine (mon meilleur score de l'été était de 83 et mon pire 107). Les hauts et les bas du golf ressemblent beaucoup à mes rounds de boxe !
Dernièrement mon adversaire a concentré ses coups aux poumons ce qui a pour effet de réduire mon souffle et de créer de la toux. Dans mon coin on a préparé une stratégie pour empêcher mon adversaire de porter ses coups aux poumons. Lors des derniers examens on a pu constater que ses coups ont moins d'effet ».
Mon père a incarné un champion jusqu’à la toute fin. La veille de son départ, nous nous sommes réunis pour prendre un dernier verre avec lui ! Vous connaissez la suite, mon père a pris la décision de nous quitter pour un long voyage comme un champion jusqu’à la toute dernière minute. Comme son hymne à la vie le témoigne, il veut aujourd’hui que nous prenions ensemble un dernier verre en sa mémoire.
Avec tout mon amour, ta fille Isabelle
Par Maxime Roy
Salut mon oncle Ronald,
J’aurais tant aimé te voir et discuter une dernière fois avec toi, mais le temps me manque, alors je tiens à te rendre hommage sur cette tribune.
Tout va trop vite de mon point de vue et je comprends que tu ne puisses plus attendre afin de trouver le repos.
Je garderai d’excellents souvenirs de toi. D’une grande sagesse tu as toujours été un homme généreux, respectueux, sérieux à tes heures tout en ayant un bon sens de l’humour lorsqu’il le fallait. Un homme jovial qui aime bien manger et boire un bon verre de vin.
Lorsque j’étais petit tu m’apportais au "driving range", je prenais un des bâtons de Louise car ils étaient presque de la bonne grandeur pour moi. Deux seaux de balles, un chacun. Je te regardais "driver", loin, loin, beaucoup plus loin que ce dont j’étais capable.
Tu nous as hébergés pendant un certain temps, j’avais mon futon dans le sous-sol. Une deuxième maison une semaine sur deux.
Notre maison, nous l’avons en partie grâce à tes précieux conseils, il t’a fallu beaucoup de patience afin de me faire comprendre plusieurs aspects des rouages financiers.
Lors du temps des fêtes, tu nous as tous reçu tant de fois et jamais il ne manquait de quoi que ce soit. Une belle grande table bien remplie autour de laquelle se regroupait une grande famille.
De là-haut veille sur ta femme, tes enfants, petits enfants et sur tous ceux qui t’aiment.
Tu resteras toujours un modèle pour ceux qui auront croisé ton chemin.
Loulou, Dan, Isa je suis de tout cœur avec vous.
Je t’aime mon Oncle et merci pour tout!
Maxime, Suzie, Mikaël et William XOXO
Ronald Fisher | 28 mai 1951 - 4 novembre 2017
28 mai 1951 - 4 novembre 2017
Conjointe : Louise Rousseau
Père : Henri Fisher
Mère : Anette Legault
Enfants : Isabelle Fisher, Daniel Fisher